OPTIMISATION DE L'ENROBAGE DES ARMATURES

1 Notion d'enrobage

Définition

L’enrobage des armatures représente la distance entre la surface du béton et l’armature la plus proche (cadres, étriers, épingles, armatures de peau, etc.).

Il doit être suffisant pour garantir :

  • la bonne protection de l'acier contre la corrosion ;
  • la bonne transmission des efforts d'adhérence ;
  • une résistance au feu convenable.

L’enrobage des armatures et les caractéristiques du béton d’enrobage sont les paramètres fondamentaux permettant de maîtriser la pérennité des ouvrages aux phénomènes de corrosion et donc leur durée d'utilisation. Ainsi il est possible de placer les armatures hors d’atteinte des agents agressifs en les protégeant par une épaisseur suffisante d’un béton compact, ayant fait l'objet d'une cure appropriée.

 

Enrobage minimal et enrobage nominal

C'est l'enrobage nominal qui est utilisé dans les notes de calcul et précisé sur les plans d'exécution de l'ouvrage. Il constitue la référence pour la fabrication et pour la pose des armatures.

L'enrobage nominal est égal à la somme de l'enrobage minimal et d'une "marge de sécurité" pour tolérances d'exécution.

ENROBAGE NOMINAL = ENROBAGE MINIMAL + TOLÉRANCE D’EXÉCUTION

 

Philosophie de l'enrobage selon l'eurocode 2

Les recommandations de l’EUROCODE 2 (norme NF EN 1992-1-1-section 4) en matière d’enrobage des bétons de structures sont novatrices. Elles résultent d’un retour d’expérience sur la durabilité des ouvrages construits depuis plusieurs décennies et sur les recherches récentes en matière de protection des armatures vis-à-vis des risques de corrosion. Elles visent, en conformité avec la norme NF EN 206-1, à optimiser la durabilité des ouvrages.


La détermination de la valeur de l’ENROBAGE doit prendre en compte de façon extrêmement détaillée :

  • la CLASSE D’EXPOSITION dans laquelle se trouve l’ouvrage (ou la partie d’ouvrage) et qui traduit les conditions environnementales ;
  • la durée de service attendue (ou durée d'utilisation du projet) traduite par la
    CLASSE STRUCTURALE de l’ouvrage  (S1 à S6) ;
  • la classe de résistance du béton ;
  • les dimensions des armatures ;
  • le type de système de CONTRÔLE QUALITÉ mise en œuvre pour assurer la régularité des performances du béton ;
  • la maîtrise du positionnement des armatures ;
  • la régularité de la surface contre laquelle le béton est coulé
  • le type D’ARMATURES (précontraintes ou non) et leur nature (acier au carbone, acier inoxydable) et d'éventuelles protections complémentaires contre la corrosion ou de revêtements adhérents empêchant la pénétration des agents agressifs.

La valeur de l’enrobage peut ainsi être optimisée en particulier :

  • si l’on choisit un béton présentant une classe de résistance à la compression supérieure à la classe de référence (définie pour chaque classe d’exposition) ;
  • s’il existe un système de contrôle de la qualité ;
  • si l’enrobage des armatures présente une bonne compacité ;
  • si l’on utilise des armatures inox ;
  • si on utilise un béton à base de CEM I sans cendres volantes.

L’EUROCODE 2 permet aussi de dimensionner l’ouvrage pour une durée d’utilisation supérieure en augmentant la valeur de l’enrobage.

L'optimisation des performances du béton et de l'enrobage des armatures constitue un facteur de progrès essentiel pour assurer la durabilité des ouvrages.

 

2 Enrobage minimal selon l'eurocode 2

L’enrobage minimal est défini dans la norme NF EN 1992-1-1, section 4 « Durabilité et enrobage des armatures » (article 4.4.1).
Il doit satisfaire en particulier aux exigences de transmissions des forces d’adhérences et assurer une protection des aciers contre la corrosion.

Il est donné par la formule :

Cmin = max [Cmin,b; Cmin,dur + Cdur,y - ∆Cdur,st - ∆Cdur,add; 10mm]

Avec :

  • Cmin,b : enrobage minimal vis-à-vis des exigences d’adhérence (béton/armature).
  • Cmin,dur : enrobage minimal vis-à-vis des conditions environnementales.
  • Cmin,dur tient compte de la classe d’exposition et de la classe structurale (qui est fonction de la durée d’utilisation du projet)
  • Cdur,y : marge de sécurité (valeur recommandée 0) ;
  • ∆Cdur,st : réduction de l’enrobage minimal dans le cas d’utilisation, par exemple, d’armatures inox ;
  • ∆Cdur,add : réduction de l’enrobage minimal dans le cas de protections complémentaires.

 

3 Détermination de l'enrobage nominal suivant l'eurocode 2

Processus

Le processus de détermination de l'enrobage des armatures dans chaque partie d'ouvrage comporte les 8 étapes suivantes qui vont permettre de prendre successivement en compte :

  • la classe d'exposition,
  • la classe structurale et les modulations possibles en fonction de choix particuliers,
  • le type d'armatures,
  • des contraintes particulières,
  • les tolérances d'exécution.

 

  • Étape 1 : Prise en compte des classes d'exposition
  • Étape 2 : Choix de la classe structurale
  • Étape 3 : Prise en compte de la durabilité
  • Étape 4 : Prise en compte du type d’armature
  • Étape 5 : Prise en compte de contraintes particulières
  • Étape 6 : Prise en compte des contraintes d’adhérence
  • Étape 7 : Détermination de l'enrobage minimal Cmin
  • Étape 8 : Prise en compte des tolérances d’exécution et détermination de l’enrobage nominal.

 

Prise en compte des classes d'exposition

Un béton peut être soumis à plusieurs classes d'exposition concomitantes qui traduisent avec précision l'ensemble des actions environnementales auxquelles est soumis le béton de l’ouvrage ou de la partie d’ouvrage.
Les classes d'exposition de chaque partie d'ouvrage sont une donnée de base du projet.

Elles sont imposées par les conditions d'environnement du projet. Elles sont définies dans le tableau 4.1 de l'article 4.2 de l'Eurocode 2 (norme NF EN 1992-1-1) en conformité avec la norme NF EN 206.1

 

 Choix de la classe structurale

L’EUROCODE béton distingue 6 classes structurales S1 à S6.

Ces classes structurales ne servent qu’à déterminer l’enrobage minimal des armatures.

La classe structurale à utiliser pour la détermination de Cmin,dur pour les bâtiments et les ouvrages de génie civil courants est S4. Ils sont dimensionnés pour une durée d'utilisation de projet de 50 ans. Les ponts sont classés dans la catégorie S6. Ils sont dimensionnés pour une durée d'utilisation de projet de 100 ans.

La classe structurale peut être modifiée en fonction de plusieurs paramètres. Les modulations de la classe structurale, pour déterminer l'enrobage minimal Cmin,dur sont synthétisées dans le tableau extrait du tableau 4.3 N (F).

L’amélioration de la qualité du béton se traduit en particulier par une minoration de la classe structurale de 1 ou de 2 points.

Si une partie d’ouvrage est concernée par plusieurs classes d’exposition, on considère l’exigence la plus sévère.

 

Prise en compte de la durabilité

Détermination de l'enrobage minimale vis-à-vis de la durabilité Cmin,dur

Les valeurs de Cmin,dur (en mm) requis vis-à-vis de la durabilité sont données en fonction de la classe d’exposition et de la classe structurale dans le tableau 4.4 N pour les armatures de béton armé et dans le tableau 4.5 NF pour les armatures de précontrainte à l'article 4.4.1.2 (5) de la norme NF EN 1992-1-1.

Valeur de Cmin,dur requis vis-à-vis de la durabilité pour les armatures de béton armé

 

 Classe d'exposition

Classe structurale

XO

XC1

XC2
XC3

XC4

XD1
XS1

XD2
XS2

XD3
XS3

S1

10

10

10

15

20

25

30

S2

10

10

15

20

25

30

35

S3

10

10

20

25

30

35

40

S4

10

15

25

30

35

40

45

S5

15

20

30

35

40

45

50

S6

20

25

35

40

45

50

55

Pour les classes d'expositions XF1, XF2, XF3 et XF4. La valeur de Cmin,dur est déterminée en prenant en compte les classes d'expositions concomitantes XC1 à XC4 et XD1 à XD3.

L'annexe française de la norme NF EN 1992-1-1 précise comment tenir compte de cette concomitance de classe. 

Type de salage Classes d'exposition XF
XF1 XF2  XF3 XF4
Peu fréquent XC4 SO XD1 ou XC4(*) SO
Fréquent SO XD1
XD3(*)
SO XD2
XD3(**)
Très fréquent SO SO SO XD3

Concomitance des classes d'exceptions

SO : sans objet

(*)XD1 : si le béton est formulé avec un entraîneur d’air.
    XC4 : si le béton est formulé sans entraîneur d’air

 (**)XD3 : pour les éléments très exposés (pour les ponts : corniches, longrines d'ancrage des dispositifs de retenue, solins des joints de dilatation).

Pour les classes d'exposition XA1 à XA3, la valeur de Cmin,dur est aussi déterminée en prenant en compte les classes d'exposition concomitantes XC ou XD.

 

Prise en compte du type d'armature

L’Annexe Nationale de la norme NF EN 1992-1-1 dans l'article 4.4.1.2 (7) précise les cas pour lesquels l’enrobage Cmin,dur peut être réduit, d’une valeur Cdur,st ou  Cdur,add. Ce choix engage le maître d'oeuvre. La valeur est fixée par les documents particuliers du marché.

  • Utilisation d’armatures en acier résistant à la corrosion : Armature INOX - extrait de l'article 4.4.1.2 (7): "Sur justification spéciale et à condition d’utiliser des aciers dont la résistance à la corrosion est éprouvée (certains aciers inox par exemple), pour la durée d’utilisation et dans les conditions d’exposition du projet, les documents particuliers du marché pourront fixer la valeur de Cdur,st. En outre, le choix des matériaux, des paramètres de mise en œuvre et de maintenance doivent faire l’objet d’une étude particulière. De même, l’utilisation de tels aciers ne peut s’effectuer que si les caractéristiques propres de ces aciers (notamment soudabilité, adhérence, dilatation thermique, compatibilité des aciers de nature différente) sont vérifiées et prises en compte de façon appropriée".
 
  • Mise en place d’une protection complémentaire :
    En cas de mise en place d’une protection complémentaire, l’enrobage minimal n’est pas diminué, sauf pour les revêtements adhérents justifiés vis-à-vis de la pénétration des agents agressifs pendant la durée d’utilisation de projet.

 

Prise en compte de contraintes particulières

L’Eurocode 2 et l’Annexe Nationale Française prescrivent d’augmenter l’enrobage minimal dans les cas suivants :

  • Parements irréguliers :
    Dans le cas de parements irréguliers (béton à granulat apparent par exemple), l’enrobage minimal doit être augmenté d’au moins 5 mm.
  • Abrasion du béton :
    Dans le cas de béton soumis à une abrasion, il convient d’augmenter l’enrobage
    de 5 mm, 10 mm, et 15 mm respectivement pour les classes d’abrasion XM1, XM2, et XM3 (voir l’EN 1990 Eurocode 0 Base de calcul des structures).
  • Béton coulé au contact de surfaces irrégulières :
    Dans le cas d’un béton coulé au contact de surfaces irrégulières, il convient généralement de majorer l’enrobage minimal en prenant une marge plus importante pour le calcul. Il convient de choisir une majoration en rapport avec la différence causée par l’irrégularité. L’enrobage nominal doit être au moins égal à k1 mm pour un béton coulé au contact d’un sol ayant reçu une préparation (y compris béton de propreté) et k2 mm pour un béton coulé au contact direct du sol.

Les valeurs recommandées par l’Annexe Française sont :
k1 = 30 mm et k2 = 65 mm.

 

Détermination de l'enrobage minimal vis-a-vis de l'adhérence Cmin,b

L'enrobage minimal vis-à-vis de l'adhérence Cmin,b est précisé dans le tableau 4.2 article 4.4.1.2 (3) de la norme NF EN 1992-1-1.
Cmin,b ne doit pas être inférieur :

  • au diamètre de la barre dans le cas d’armature individuelle ;
  • au diamètre équivalent dans le cas de paquet d’armatures (cas particulier des paquets de 2 barres superposées).

Cmin,b est majoré de 5 mm si le diamètre du plus gros granulat du béton est supérieur à 32 mm.

 

4 Prise en compte des tolérences d'éxécution

L’enrobage minimal doit être majoré, pour tenir compte des tolérances pour écart d’exécution (∆Cdev).

La valeur recommandée (article 4.4.1.3 (3)) est ∆Cdev= 10 mm. Cette valeur peut être réduite sous réserve de conditions strictes de contrôle qualité à la fois sur la conception et l’exécution des ouvrages.

L'enrobage nominal est donné par la formule :

Cnom = Cmin + ∆Cdev

Si la réalisation ou la conception et l'exécution des éléments d'ouvrage sont soumis à un système d’Assurance Qualité (incluant en particulier des dispositions spécifiques relatives à la conception, au façonnage ou à la mise en place des armatures, mesure de l’enrobage des armatures avant coulage du béton). Il est possible de réduire la valeur de ∆Cdev à une valeur comprise entre 5 et 10 mm.

Cette réduction possible de ∆Cdev permet d'inciter à un meilleur contrôle du positionnement réel des armatures et une meilleure qualité de réalisation.

NOTA : L’Eurocode 2 attire l’attention sur les deux points suivants :

  • Les problèmes de fissuration auxquels risque de conduire, un enrobage nominal supérieur à 50 mm. Dans le cas d’environnement agressif, l’utilisation d’armatures inox peut permettre de conserver un enrobage inférieur à 50 mm.
  • Les difficultés de bétonnage auxquelles risque de conduire, un enrobage nominal inférieur à la dimension nominale de plus gros granulats.

NOTA : L'augmentation de l'enrobage est favorable pour la stabilité au feu. Pour assurer celle-ci, on peut être amené à prévoir des dispositions de ferraillage spécifiques telles que :

  • des enrobages supérieurs à ceux imposés par la protection contre la corrosion ;
  • un fractionnement en plusieurs armatures de faibles diamètres. Certaines d'entre elles seront plus éloignées des parois exposées au feu, en particulier près des angles saillants où la température est plus élevée. L'espacement de ces armatures sera parfois plus important que celui habituellement exigé pour permettre un bétonnage correct.