Semelles de fondation superficielles
Bosc jean-Louis, INSA de Lyon, LGCIE, F-69621
Les semelles superficielles rigides, d’élancement : δ /h < 1 (fig.1) respectant le principe de Saint-Venant, correspondent à des éléments de structure pour lesquels la méthode des bielles et tirants (B-T) selon l’Eurocode 2-1-1 est applicable pour leur justification à l’état limite ultime.
Les semelles flexibles, d’élancement : δ /h ≥ 3 (fig.1), sont assimilées à des dalles :
B ou A ≥ 5h [EC2 : 5.3.1(4)] pour lesquelles la méthode par flexion est applicable [1].
Dans le cas de semelles semi-rigides, d’élancement intermédiaire (usuelles en France), il convient d’utiliser une méthode de calcul « adéquate » combinant par interpolation les résultats obtenus par la méthode B-T et ceux fondés sur la méthode par flexion, proportionnellement à la raideur relative des deux modèles.
Ce chapitre présente une application générale de la méthode des bielles et tirants aux cas des semelles rigides sous mur ou sous poteau comprimé, sans ou avec flexion.
1. Identification des modèles bielles et tirants
La modélisation en bielles et tirants à considérer, vis à vis de l’état limite ultime (ELU), dépend de la sollicitation équilibrée par l’élément porté par la semelle superficielle rigide : compression centrée ou flexion composée [2]. Le poids propre de la semelle n’intervient pas dans cette étude.
Fig. 1 – Types de semelle et méthodes de calcul « adéquates » en fonction de l’élancement : δ /h [ où : δ = (B - b)/2 ou (A -a) / 2]. |
NB : La semelle peut être non armée [EC2-1-1 : 12.9.3] lorsque : h ≥ 2 δ = 2(B - b)/2 ; soit : h ≥ B - b
(ou : tan θ ≥ 4Z/(B - b) # 4 (0,9 h) /h = 3,6 # 3,5).
1.1. Semelle rigide sous mur ou sous poteau en compression centrée (charge centrée)
La méthode des bielles et tirants conduit à un modèle simple de deux ou quatre bielles de transmission de la charge équilibrées par les réactions du sol, par un ou quatre tirants et une ou quatre biellettes horizontales sous le mur ou le poteau (fig. 2).
Fig.2 – Modélisation B-T pour une semelle rigide sous mur (a) ou sous poteau (a et b) en compression centrée : a) coupe verticale suivant le plan xoy ; b) vue en plan du modèle tridimensionnel. |
Les efforts de traction dans les tirants dépendent du bras de levier Z et du plan considéré oxy ou zoy (voir la justification des éléments du modèle).
REM : Le modèle B-T fixe Z < d, alors que les règles françaises, en s’appuyant sur le schéma de Lebelle, adoptent implicitement Z = d . En effet, la théorie de Lebelle suppose, pour l’équilibre statique, l’intervention d’un effort de compression horizontal situé à l’interface de l’élément porteur et de la semelle. Or, compte tenu de la faible mobilisation mécanique transversale du mur ou du poteau en béton (en particulier en présence d’une reprise de bétonnage) cet effort horizontal n’est essentiellement équilibré que dans la zone supérieure de la semelle en béton, sous l’élément porteur. Cette condition devient pleinement nécessaire lorsque la semelle supporte un poteau métallique ou un mur en maçonnerie. Il est ainsi prudent de considérer l’intervention d’un nœud comprimé sous l’élément porteur, quelle que soit sa nature.
En conséquence, pour les semelles rigides, cette modélisation conduit à une majoration des efforts dans les armatures inférieures par rapport aux règles françaises.
NB : Pour une semelle fondée sur rocher [EC2-1-1 : 9.8.4], lorsque la pression du sol à l’ELU : q2 > 5 Mpa (valeur recommandée), seules les armatures transversales
( Ømin = 8 mm) résistant à l’éclatement de la semelle sont requises. ( voir fig. 2 bis) :
Ast = 0,25 (1 – c/h) NEd / fyd ; où : h = min [b ; H].
Fig. 2 bis – Armatures transversales dans une semelle fondée sur rocher |
Fig.3 - Modélisation B-T pour une semelle rigide sous poteau en flexion composée ( dans le plan xoy) de section partiellement comprimée avec aciers tendus : a) coupe verticale suivant le plan xoy ; b) vue en plan du modèle tridimensionnel ; c) schéma des armatures associé au modèle. |
1.2. Semelle rigide sous poteau en flexion composée (charge excentrée)
L’excentricité e de la charge P, produit à l’ELU une distribution des contraintes de réaction plastique du sol partiellement constante sur une aire : A(B-2e).
La modélisation dépend du mode de sollicitation de la section du poteau soumis à la flexion composée dans un plan xoy. La section d’encastrement du poteau (axb) sur la semelle est, à l’ELU, soit partiellement comprimée avec aciers tendus (fig.3), soit entièrement ou partiellement comprimée sans aciers tendus.
REM : L’hypothèse d’une distribution des contraintes de réaction trapézoïdale ou triangulaire correspondant à un comportement élastique du sol n’est nécessaire qu’à l’état limite de service (ELS), en particulier, pour la vérification de l’ouverture des fissures en partie inférieure de la semelle.
1.2.1. Section du poteau partiellement comprimée avec aciers tendus
a) Modélisation B-T dans un plan xoy
La section d’encastrement (ab) est soumise aux efforts de compression équilibrés par le béton, Fcd, par les aciers comprimés, F’sd, ainsi qu’à l’effort de traction équilibré par les aciers tendus, Fsd (fig.3.a). L’effort Fcd , transmis à la section d’aire ax, se décompose en Fcd1 et Fcd2 correspondant aux sollicitations équilibrées dans les sections comprimées d’aires ax1 et ax2 :
soit : Fcd = Fcd1 + Fcd2 ; et : x = x1 + x2 ≤ b
où : Fcd1 = Fcd x1/x ; et : Fcd2 = Fcd x2/x
Le modèle B-T est défini, à l’équilibre, pour le tracé des bielles A B D’ D E et A’ B D’ D E sous l’effort Fsd et les réactions du sol sous la semelle F1 et F2, fonction de x’1 et x’2 (fig.2) :
avec : P = F1+F2 ; avec : B ≥ x’1 + x’2
où : F1 = Fcd1 + F’sd ; F2 = Fcd2 - Fsd
Fig.4 - Modélisation B-T alternative pour une semelle rigide sous poteau en flexion composée ( dans le plan xoy) de section partiellement comprimée avec aciers tendus (e > B/6) : a) coupe verticale suivant le plan xoy ; b) vue en plan du modèle tridimensionnel ; c) schéma des armatures associé au modèle. |
L’effort maximal de traction dans le tirant, Tx , est obtenu pour une valeur de x’1 correspondant à la position de l’effort résultant de compression F (F = Fcd + F’sd) dans la section d’encastrement par rapport au bord de la semelle.
REM 1 : Les armatures correspondant aux tirants A’E’ et J’G’ équilibrant les efforts horizontaux des bielles A’B ; D’E’ et J’I ; H’G’ sont concentrées, au niveau de la nappe inférieure, sur la largeur a du poteau (fig. 3.c). Cette disposition, acceptable pour une excentricité modérée de la charge (e < B/6), ne rend pas compte d’une répartition des efforts au sein de la semelle nécessaire pour une excentricité plus élevée. Une modélisation alternative permet, dans ce dernier cas, une meilleure répartition de ces armatures sur la largeur A de la semelle (fig. 4).
REM 2 : Cette modélisation appropriée conduit (malgré la valeur Z < d ) à une réduction des efforts dans les armatures par rapport à ceux donnés par les règles empiriques françaises.
b) Modélisation B-T dans un plan zoy
Dans le plan orthogonal de symétrie zoy, le modèle est identique à celui de la semelle sous poteau en compression centrée (fig.2-a) soumise à des efforts P = F1 ou : P = F2 équilibrés par les bielles DD’E et FF’G ou AB et IJ dans le plan transversal (fig.4.b ou fig.5.b). Cela conduit à des armatures transversales réparties dans la zone étendue sur (B-2e).
1.2.2. Section du poteau entièrement ou partiellement comprimée sans aciers tendus
Il s’agit d’un cas particulier de la semelle rigide précédente pour laquelle l’effort correspondant aux aciers tendus du poteau est nul : Fsd = 0.
2. Justification des tirants, bielles et nœuds : semelles rigides soumises à une compression centrée
Une justification générale est présentée dans le cas courant d’une semelle superficielle rigide sous mur ou sous poteau en compression centrée (selon la modélisation fig.2). Le pré-dimensionnement de la semelle est supposé conduit de manière habituelle.
2.1. Justification du nœud sous la charge
2.1.1. Semelle sous mur
Contrainte dans la biellette horizontale pour le nœud en compression biaxiale sous le mur (fig.2-a) :
`sigma_(co) = C/Y_o <= sigma_(Rd,max)` ; où : `C = P_(Ed)/2 ((B-b))/4 1/Z` ; avec : `Z = 0.95 d` (valeur forfaitaire)
et : `sigma_(Rd,max) = k_1 v' f_(cd)` (noeud en compréssion)
avec : `'f_(cd)= f_(ck)/gamma_c a_(c"c)` ; `v'=1 - f_(ck)/250`
`k_1=1` (valeur recommandée)
NB : En considérant le confinement du nœud dans le sens longitudinal de la semelle :
k1 = 1/ ν' (selon Annexe Nationale)
REM 1 : Il est possible de déterminer un bras de levier Z maximal pour rendre l’effort de traction du tirant inférieur (T=C) minimal en posant : σ co = σ Rd,max
REM 2 : Compte tenu de la géométrie du nœud les contraintes σRd1 et σRd2 sont justifiées si : σ co ≤σ Rd,max
2.1.2. Semelle sous poteau
Contrainte dans la biellette horizontale pour le nœud en compression triaxiale sous le poteau (fig.2.b) :
`sigma_(co) = C_x/(Y_oa) <= sigma_(Rd,max)`
où : `C_x = p_(Ed)/2 ((B-b))/4 1/Z > C_y`
avec : `Z=0.95 d` (valeur forfaitaire)
et : `sigma_(Rd,max) = k_4 v' f_(cd)`
où : `k_4=3` (valeur Annexe Nationale)
REM 1 : La section de la biellette horizontale est considérée équivalente à l’aire Yoa.
REM 2 : Les contraintes σRd1 et σRd2 ne sont pas à justifier car elles sont plus faibles que σco .
2.2. Armatures inférieures
De façon générale, l’effort de traction dans le tirant inférieur de la semelle sous mur
(T = Tx ) ou sous poteau ( T = Tx ou Ty ) vaut :
`T_x = C_x = p_(Ed)/(8Z) (B-b)` ; `T_y = p_(Ed)/(8Z) (A-a)`
où : `Z = 0.95 d` (forfaitaire)
`A_(sx) = T_x/(f_(yk) // gamma_s)` ; et : `A_(sy) = T_Y/(f_(yk) // gamma_s)`
REM 1 : Pour les semelles rigides [ (B – b)/2 ≤ h] pour lesquelles la méthode B-T est pleinement applicable, la section d’acier théorique est augmentée par rapport à la pratique française (où : Z = d), de l’ordre de 3 à 5 % (cf. application numérique [4] .
REM 2 : Pour les semelles semi-rigides [(B - b) / 4 # d ], courantes en France, la méthode de calcul “ adéquate ” (1< δ /h < 3) conduit à une section d’armatures As , calculée en combinant par interpolation la section As1 , obtenue par la méthode B-T , et la section As2 , fondée sur la méthode par flexion [1], proportionnellement à la raideur relative des deux modèles (B-T et flexion).
Soit :
As = As1 (1 - λ ) + As2 (λ) ; avec : λ = 1/2 [(δ/h ) – 1] ; où : δ/h = (B – b)/ 2 h # 2 > 1
tel qu’en flexion : λ = 1, pour δ/h ≥ 3 (dalle)
et en B-T : λ = 0, pour δ/h ≤ 1 (semelle rigide)
pour : δ/h # 2 ; il vient : λ = 1/2 ;et : As = 1/2As1 + 1/2 As2
où, en flexion : As2 = Mu2 / Z fyd ;
avec : Mu2 = moment dans la section d’encastrement de la semelle sur le mur, ou à 0,35 b de l’axe du poteau ; et : Z = 0,5[1+ V¯(1 – 2 µ2 )] d ;avec : µ2 = Mu2 /(d ² fcd )
Il s’avère que la section ainsi calculée : As ( inférieure à As1 ) est analogue à celle donnée par les règles françaises pour ces semelles d’élancement courant en France
(cf. application numérique [4] ).
REM 3 : Les armatures longitudinales de la semelle sous mur sont disposées selon des prescriptions minimales : diamètre φ min = 8 mm (valeur recommandée), section minimale et espacement maximal (voir EC2-1-1).
2.3. Justification des bielles
La vérification des contraintes dans les bielles comprimées de béton n’est pas requise en raison du confinement des bielles dû au grand volume de béton de la semelle massive [3].
Ce confinement justifie également l’absence d’armatures secondaires contrôlant le fendage longitudinal des bielles.
2.3. Justifications complémentaires
L’ancrage des armatures inférieures doit être justifié selon la clause :
9.8.2.2. de l’EC2-1-1.
De plus, une vérification au poinçonnement est exigée pour une semelle sous poteau suivant la clause de : 6.4.4 (2) de l’EC2-1-1.
2.3.1. Ancrage des armatures [EC2-1-1 : 9.8.2.2]
L’effort de traction Fs (fig.5) doit être ancré dans le béton à l’abscisse x :
Fs = R.Z’ / Z [EC2-1-1 : 9.8.2.2 (2)]
Fig. 5 – Schéma mécanique retenu par l’EC2-1-1 pour l’ancrage des armatures |
Dans l’hypothèse de barres droites, on pose : xmin = h/2
[EC2-1-1 :9.8.2.2 (5)]
soit : `F_s = (xsigma)/Z ((B-x)/2 - b/4)`
où : `sigma = P_(Ed)/B` ; `x = x_(min)`
a) Longueur d’ancrage de référence
[EC2-1-1 : 8.4.3]
`l_(b,rqd) = phi/4 . sigma_(sd)/f_(bd)` [EC2.8.4.3.(3)]
où : `sigma_(sd) = F_s/A_(sr)`
et : `f_(bd) = 2,25eta_1 eta_2 f_(ctd)` [EC2 : 8.4.2 (2)]
où : `'f_(ctd) = a_(ct)" "f_(ctk) , 0.05//gamma_c'` [EC2 : 8.4.2 (2)]
avec : `a_(ct) = 1` (valeur recommandée) ; `gamma_c = 1.5`
`'eta_1 = 1 (fct.h) ; eta_2 = 1 " " pour phi < 32mm'`
b) Longueur d’ancrage de calcul : lbd
[EC2-1-1 : 8.4.4]
`l_(bd) = a_1a_2a_3a_4a_5 l_(b,rqd) >=l_(b,min)`
ancrage en traction avec (fig.6) : c_d = min `[a/2,c]`
`l_(b,min) = max [0.3 l_b ; 15 phi ; 100mm]` `a_3 = 1-k=1` (confinement : k = 0)
ancrage droit
`a_1 = 1 ; a_2 = 1-0.15 (c_d - phi) // phi` `a_4 = 0.7` (confinement)
`0.7 < a_2 < 1` avec barres transversales soudées ( T.S.)
`si : phi_t > 0.6 phi ; a_5 = 1` (sans contrainte transversale)
`a_2 a_3 a_5 = 0.756 > 0.7`
soit, avec barres transversales soudées : l bd < x - 0.03 = lb
Fig. 6 – Disposition longitudinale des armatures. |
2.3.2. Vérification du poinçonnement [cf. A 6.5 ]
La valeur de calcul de la résistance au poinçonnement d’une semelle sous poteau sans armatures d’effort tranchant, le long du contour de contrôles situé à une distance a du nu du poteau, (fig. 7) est donnée par la relation [EC2-1-1 : 6.4.4 (2)] :
Fig. 7 – Modèle de calcul avec contour de contrôle pour la vérification du poinçonnement à l’ELU |
`'v_(Rd) = C_(Rd,c) k (100rho1 f_(ck))^(1//3) x (2d)/a'`
`v_(Rd) >= v_(min) x (2d)/a`
où : `a <= 2d` ; et : `a<= (B_x -b_x)//2` ; et : `a <= (B_z - b_z)//2`
`C_(Rd,c) = 0.18//gamma_c` (valeur A.N.)
`k=1+sqrt((200)/d)<2`
`rho_l = sqrt(rho_(lx).rho_(lz)) <= 0.02` ; `rho_(lx) = (A_(sx))/(hB_x)` ; et : `rho_(lz)=(A_(sz))/(hB_z)`
et : `v_(min) = 0.035k^(3//2). f_(ck)^(1//2)`
REM 1 : L’Annexe Nationale adopte les valeurs recommandées de CRd,c et vmin
de l’EC2-1-1 (k1 = 0,1).
La contrainte de calcul au poinçonnement de la semelle sous poteau est donnée par la relation :
vEd = VEd,red /ud ; où : u = contour de contrôle situé à la distance a.
u = 2 (b x + b z ) + 2 π a
VEd,red = VEd - ∆ VEd
et : ∆ `V_(Ed) = V_(Ed). A_(cont)/(B_xB_Z)`
avec : A cont = aire à l' intérieur du contour de contrôle (fig.12).
A cont = 2a (b x + b z ) + π a 2 + (b x .b z )
La vérification impose : vEd ≤ vRd